Economie circulaire et innovations : L’interview de Diane Ouandji

L’économie circulaire un levier pour l’innovation et les nouvelles technologies :
Une opportunité pour l’Afrique ?

Le point de vue de Diane Ouandji, fondatrice et Directrice de Stratechno

 

Quelles sont les clés pour implanter efficacement les nouvelles technologies sur le continent africain ?

1/ Prendre en compte la réalité locale

Les nouvelles technologies sont souvent considérées comme une fin en soi, alors qu’elles sont un outil pour répondre à des problèmes locaux. Les innovations fleurissent en Afrique et elles sont souvent pleines de promesses. Or nombreux sont les projets qui ont été mal définis au début et qui ne correspondent pas à la réalité africaine ; ces innovations disparaissent en générale au bout de quelques années, par manque de marché suffisant. Je citerais l’exemple d’un projet de startup, qui a voulu développer la blockchain en Afrique pour garantir la validité des titres de propriété. L’idée est bonne mais la réalité dans beaucoup de pays est que les propriétaires ne disposent pas de tels titres de propriété, ce projet n’est donc pas adapté à la réalité de plusieurs pays africains. Les nouvelles technologies doivent impérativement prendre en compte la réalité locale pour pouvoir s’implanter.

2/ Placer l’utilisateur au cœur du système

Comme nous le disions précédemment, les innovations sont là pour répondre à un besoin réel. Le meilleur moyen d’y parvenir est de prendre en compte l’avis des bénéficiaires grâce à une méthodologie efficace. Les bénéficiaires ne sont pas obligés d’aimer ce qu’on leur propose, surtout si l’offre n’est pas adaptée à leurs besoins et au contexte local. On s’arrête bien souvent aux préjugés : ce n’est pas parce qu’une personne est dans le besoin qu’elle ne peut plus avoir d’esprit critique. Par ailleurs, lorsque l’on parle d’innovation, on a tendance à mettre en avant les success-stories, mais elles ne sont que le sommet de l’iceberg. Il est donc également important de parler des échecs aux entrepreneurs, cela leur permet de mieux les appréhender et de ne pas commettre les mêmes erreurs. Des méthodes  telles que le Design thinking ou le Lean startup permettent de construire des produits et services qui répondent au besoin de la clientèle.

Quel rôle les acteurs dits « informels » ont-ils à jouer dans l’implantation des nouvelles technologies sur le continent africain ?

Les acteurs de l’économie informelle devraient être une source d’inspiration. Ils sont ancrés dans l’organisation locale, leur offre est pérenne car elle répond à un besoin réel et de manière efficace. Toute personne qui travaille dans le secteur informel dispose des informations auxquelles les entrepreneurs dits « formels » n’ont pas toujours accès. Ces acteurs sont au cœur de la vie quotidienne, ils connaissent la contribution de chaque acteur et savent comment améliorer le quotidien des habitants. Dans l’économie circulaire, on s’intéresse à l’impact positif sur le bien-être des populations locales. Mais aujourd’hui, quand on parle de startups, on se focalise sur leurs levée de fond et on parle peu de l’impact qu’elles ont sur l’écosystème local (création d’emploi, bien-être de la population, amélioration des conditions de vie, etc). Avant de parler d’argent, de finance, il faut parler du bien-être des population, de l’impact social des entreprises, surtout lorsqu’elles sont créées dans ce but.

Pourquoi l’Afrique est un terrain propice au développement des innovations? 

1/ Souvent, nous innovons lorsque nous sommes dans un environnement contraint, lorsque nous n’avons pas le choix. En Afrique, une start-up innove car elle n’a pas d’autre choix pour surmonter les contraintes et les difficultés quotidiennes. Son innovation sera souvent plus pertinente et mieux exploitée que celle d’une entreprise qui a de l’argent et qui n’a pas besoin d’innovation pour prospérer. C’est cette différence que l’on constate entre grands groupes et startups. Les grandes entreprises, qu’elles soient dans des pays développés ou émergents, ont beaucoup de mal à innover, contrairement aux startups. La différence principale entre les pays développé et les pays émergents est qu’il y a beaucoup moins de grands groupes dans les pays émergents ; bien souvent tout reste à faire.

2/ La population est jeune et de plus en plus éduquée. Dans les pays africains, de nombreux investissements sont réalisés dans l’éducation. Les nouvelles générations vont avoir  les compétences pour transformer leurs idées en produits ou services.

3/ L’imbrication de la modernité et des racines est un des grands atouts du continent africain. Tradition et modernité cohabitent au quotidien, on le voit par exemple dans les entreprises, aux tenues vestimentaires des salariés : la mode occidentale et les tenues traditionnelles s’y mélangent. La fusion de ces deux mondes encourage à sortir des sentiers battus et stimule la créativité pour faire cohabiter ces deux mondes.

Remarque finale : Il serait intéressant de regarder vers l’Inde, pays immense riche d’une grande diversité de cultures, de langues, où d’importants écarts de revenus subsistent encore. Dans une certaine mesure, la situation indienne ressemble à la situation dans certains pays africains. Les initiatives qui s’y développent pourraient être inspirantes pour l’Afrique. Je pense notamment à la bancarisation et à des initiatives comme la Mann Deshi Banq. Mann Deshi Bank est une banque coopérative créé pour des femmes vivant dans l’inde rurale ; créé par des femmes vivant dans l’inde rurale et qui faisaient partie du secteur de l’économie informelle.  Ces femmes, parce qu’elles travaillaient dans le secteur informel, ne parvenait pas à ouvrir un compte en banque dans les banques car ces banques ne les considéraient pas comme des clientes intéressantes. Alors elles ont décidé de créer leur propre banque. Plusieurs fois elles se sont vu refuser la licence pour pouvoir créer cette banque. Mais leur persévérance et leur courage a fini par porter ses fruits. Aujourd’hui, Mann Deshi Bank a atteint son objectif initial (aider les femmes de l’économies informelle à épargner) et va bien au-delà.

 

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